lundi 22 mars 2010

EPILOGUE

Peu de temps après, un élan spontané de reconnaissance m'a poussée à écrire à Callenelle, j'ai adressé ma lettre à Mme St Paul, la priant de transmettre à toutes les religieuses mes sincères remerciements. Elle m'a répondu bien évidemment avec sa pieuse et coutumière affection. Mme Ste Claire m'a envoyé aussi une lettre où elle me disait qu'elle voulait oublier les mauvais moments et qu'elle s'émouvait de retrouver les partitions de musique que je m'appliquais à lui recopier…

Je n'ai rien gardé de tout cela. (hélas!) Je voulais tourner la page, m'envoler vers la vie nouvelle qui s'ouvrait grand devant moi. Ce que j'ai fait, timidement. Mes 17 ans avaient tout à appréhender: ma liberté face à la mode, face aux plaisirs. Je devais apprendre à penser par moi-même, acquérir la maturité qui me faisait défaut. Je me trouvais partout mal à l'aise. Cette liberté nouvelle ouvrait un large chemin, qui ne conduisait pas au pensionnat. Et donc, je suis restée 10 ans sans retourner à Callenelle.

Au Sacré-Cœur, je perds une année, scotchée à mon petit transistor qui, à 17 h précises, diffuse "Salut les copains" … C'est l'époque des années soixante, avec Françoise Hardy, Sheila, Richard Anthony et tant d'autres…C'est celle des premières soirées qui me remplissent tour à tour d'allégresse ou de mélancolie. C'est aussi l'époque de la fascinante Brigitte Bardot… du cinéma de plus en plus attractif et je vis ainsi, au gré des petits plaisirs et au détriment des longs devoirs.
Je redouble, travaille chez moi et passe le bac de philo en candidate libre. Je m'inscris en faculté de lettres pour tenter une licence d'histoire, je perds encore une année: les chantiers boueux d'Annapes, la future cité universitaire ont vite eu raison de mon zèle en herbe: l'attente d' un hypothétique bus, ¾ d'heure debout, dans le vent glacial a achevé de me décourager….

Et la chance me sourit, d'un sourire aussi large que celui de ma nouvelle amie Béatrice Lacombe. Elle est institutrice chez les Bernardines à Lille. C'est ainsi que par son intermédiaire, je rencontre Mère Yon la directrice. J'ai à peine dit mon nom:
"Maquet? La fille de Jean Maquet ? Mais oui, j'ai très bien connu votre père….Oui oui. Quand nous étions jeunes…Justement je recherche quelqu'un pour le CM1".

Ah!La belle époque! La très belle époque.
Et puis, je rencontre celui qui deviendra mon mari. Nous nous marions le 21 mars 1970. C'est le printemps….à deux!
Impatients, nous avons un petit Valéry en 1971; nous habitons alors à Caudry, je quitte l'enseignement, Vincent est "Administrateur des ventes" dans une entreprise qui confectionne des voilages.

C'est en 1973 que je retourne à Callenelle, avec mon petit bonhomme âgé de deux ans. Il s'accroche à moi, ses bottines s'enfoncent dans les graviers de la cour d'honneur. J'en souris. Je n'ai prévenu personne de ma venue.
C'est calme. Peu après mon arrivée, je vois une religieuse, puis une autre, au gré de leurs activités, elles sont vraiment surprises et contentes de me voir. Toujours la même question: " Pourquoi avoir attendu 10 ans ?"

Je n'ai pas osé parler de "Pomme" à Mme St Joseph. J'étais contente de la revoir, son sourire, ses yeux bleus.
Mme Ste Claire a de nouveau évoqué notre altercation, je lui en ai voulu, même si elle a tout de suite ajouté: "oublions!…"
Mme Ste Monique qui me dévisageait affectueusement et regardait Valéry. "Est-ce que vous êtes parente de Claire Camelot ?" Oui, c'est une cousine de mon mari.
Sr Hedwige. Je ne me rappelais plus qu'elle louchait autant. Un large sourire. A ma question, elle a répondu: Il y a quarante élèves maintenant, et comme je hoche la tête, elle ajoute: C'est bien assez. C'est beaucoup de travail. On se fatigue, vous savez, et nous sommes de moins en moins nombreuses." Elle ajoute qu'il y a la télévision maintenant, que c'est bien. Pauvre Sœur Hedwige, elle est partie à grands pas, je lui avais fait perdre 10 minutes.
J'ai demandé à voir Mme St Paul. Oh! Comme elle était contente! Elle m'a serrée dans ses bras. Et puis tout de suite elle m'a montré ce qu'elle était en train de faire, elle me parlait comme si j'étais encore son élève, elle n'avait pas changé. J'ai pu bavarder un moment avec elle, pendant qu'elle trafiquait dans sa petite salle de classe. A un moment elle m'a dit ceci:

"J'ai beaucoup prié pour qu'il y ait des vocations chez nos élèves. J'ai été en partie exaucée, mais pas assez" ajoute-telle comme pour s'excuser; elle poursuit: " J'avais trois bons espoirs" Je demande: " Ah oui, lesquels ? "
Elle hésite: "Eh bien Brigitte Flourez". C'est ainsi que j'ai appris que celle-ci était devenue religieuse, et puis, comme j'insiste, elle ajoute: " Odile Leblon… eh non" soupire-t-elle. Et la troisième? Je n'ai pas eu de réponse, ce n'était pas nécessaire, son silence était éloquent… Au moment de partir, elle a tenu à me faire un cadeau, nous sommes allées dans la salle de dessin: elle a choisi, parmi quelques mosaïques, un carreau noir sur lequel elle avait peint une très jolie vierge bleue". J'ai eu un gros coup de cafard en revenant chez moi.

Ainsi s'achève l'histoire de Callenelle.
Non! Mon histoire à Callenelle.





Aux Anciennes
J'adresse de chaleureux remerciements à toutes celles que j'ai pu retrouver et qui m'ont apporté leur aide dans la construction de ces mémoires. Il y a très certainement des inexactitudes et des oublis, je laisse à celles qui le souhaitent le loisir de transmettre l'anecdote, la précision qui mettra du sel à notre histoire commune. J'ai pris beaucoup de plaisir dans cette évocation. Laissant au hasard le plaisir de nous retrouver, que ce soit à Lille ou à Callenelle, sur la toile (internet) ou ailleurs, je transmets à toutes, mes plus fidèles amitiés.


à Béatrice, pour ses corrections et ses encouragements….. Merci.



Achevé le 31 mars 2010
A Bize-Minervois
Pour prolonger ce retour en arrière, je vous invite à cette adresse: http://callenelle.blogspot.com/2010/02/bienvenue-au-pensionnat-des-dames-de-st.html

1 commentaire:

  1. Bravo pour cette fidèle évocation de tes souvenirs de pension, pension où j'ai séjourné de 1950 à 1953 et dont je garde des souvenirs mitijés (punitions : en particulier dues au problèmes de propreté vu 'impossibilité d'aller aux toilettes quand il le fallait) mais aussi quelques bonnes amies qui nous aidaient à supporter ce dur régime

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