mercredi 24 mars 2010

CHAPITRE XII

L’organisation des classes, les inspections.

Chaque classe a sa couleur:

Rose : 12 e , 11 e et 10 e
Jaune: 9 e
Rouge: 8 e et 7 e
Violette : 6 e et 5 e
Verte : 4 e et 3 e
Bleue: 2 e et 1 e
Blanche : Philo

Les Dames de St Maur ont un blason sur lequel est inscrite la devise :

« Simple dans ma vertu, Forte dans mon devoir »


Ce blason est donné à chaque élève. Je trouve le mien bien « moche », je ne l’aurais sûrement pas choisi, c’est le plus laid de toute l’institution, mais on ne m’a pas demandé mon avis. Emmanuelle Egalon vient de me monter le sien, il est comme neuf! Elle s'en sert, il est accroché à la fermeture éclair d'un pull!

L’HORAIRE d’une journée de semaine est le suivant :

7h-05 Angélus. Lever
7h30 Messe à la Chapelle
8h10 Petit déjeuner
8h30 Classe
10h15 Récréation
10h30 Classe
12H-05 Angélus. Déjeuner
12h30 Grande récréation

13h30 Classe
16h Goûter. Récréation
16h30 Salut à la Chapelle
17h Grande étude
19H-05 Angélus. Souper.
19h30 Récréation du soir
20H Coucher pour les plus jeunes
Petite étude pour les autres
21h Coucher

Bien des années plus tard, en seconde et première, j’aurai la charge, et j’en serai flattée, de sonner les deux cloches, en qualité de plus ancienne pensionnaire. Sauf l’angélus du matin, heureusement ! c'est pourquoi les horaires me sont familiers.

Le lundi et le mardi, rien à signaler.

Le mercredi est le jour de la gymnastique. J’aime bien, c’est amusant. Le professeur est un homme eh oui ! le seul et unique homme admis à franchir l’entrée avec l’aumônier. Ah non, parfois on aperçoit de loin un ouvrier en blanc avec une échelle ou un pot de peinture. Le prof de gym, lui, vient de Tournai et arrive en train. En une journée il doit faire passer toutes les classes. Les élèves des grandes classes déjeunent sans traîner et sautent la récréation d’une heure pour leur cours, son dernier train oblige. Pour la circonstance on se met en short. Moi, j’ai des culottes bouffantes tricotées par maman, avec des élastiques à la taille et aux cuisses. Il ne manque rien dans cette salle de gym, des espaliers au mur, de grosses cordes au plafond, des tapis pour les roulades, un cheval d’arçon, des poutres à côté rond et côté plat, le saut en hauteur. Certains exercices ne sont pas si faciles, mes deux sœurs Soisic et Anne sont sportives et sont toujours citées en exemple. Un peu jalouse peut-être, je les soupçonne comme d’autres de vouloir faire leur belle devant le prof de gym. Moi ce n’est pas mon type, il ne sourit pas souvent, il doit avoir des consignes.

Le mercredi, (et le vendredi ? ) sont les deux jours pour se confesser après le salut. Parfois la file d’attente est longue, dans ce cas on descend en salle d’étude : quand une pénitente revient, une autre s’en va ; nous ne sommes pas obligées de nous confesser, disons que c’est bien vu ; si la fréquence est jugée insuffisante, on vous suggère d’y aller. Petite, je suis très pieuse. J’avoue mes fautes avec plaisir pour avoir une âme légère. Le problème, c’est que je ne sais pas trop quoi dire, à part : j’ai désobéi et j’ai menti ! J’écope toujours de trois je vous salue Marie comme pénitence après avoir récité le « Je confesse à Dieu…mea culpa »
Outre la bonne opinion que je ne manque pas de recueillir, j’aime aller à confesse, ce sera l’occasion plus tard d’abréger l’étude du soir. La tranquillité de la chapelle est si reposante que la surveillante me prie parfois d’abréger mon repentir.

Le jeudi est un jour ordinaire bien qu’ailleurs il soit jour de congé. L’expression « faire la semaine des 4 jeudis et des 3 dimanches » ne s’applique pas à nous. La seule variante de la journée est cette promenade dont je parlerai dans un instant. Et à l'heure du goûter, nous avons la permission d'embrasser nos grandes sœurs. De temps à autre, nous avons le cinéma, le théâtre ou un autre spectacle et là, c’est vraiment la fête.

Le vendredi, rien à signaler sauf que c’est le jour du poisson et que je n’aime pas ça.

Le samedi a lieu LA PETITE INSPECTION : la Mère supérieure en passant dans chaque classe écoute la lecture du bulletin de chaque élève et lui remet ou non sa distinction.

Voici grosso modo un bulletin hebdomadaire :

Melle ....... Semaine du ......

Conduite ... sur 4
Politesse ... sur 4
Ordre ... sur 4
Exactitude ... sur 4
Ecrit ... sur 6
Oral ... sur 6
Ouvrage manuel ... sur 2
Total ... sur 30

Si l’on obtient 18 sur 30 on a droit au blason, accroché sur la poitrine, tenu par un ruban de satin aux couleurs de la classe.
A 22 on mérite la médaille, suspendue à un gros cordon, on la porte autour du cou.
A 25 la croix récompense les meilleures élèves.

Ces distinctions toutes en couleurs sont du plus bel effet sur notre uniforme bleu marine et flattent celles qui les arborent. Elles sont ensuite soigneusement repliées et rangées dans des boites aux papiers de soie, ce qui leur donne encore plus de prestige.

Un samedi par mois, c’est LA GRANDE INSPECTION : Elle se passe à 15 h l’après-midi, dans la salle d’étude, où tout le pensionnat est assemblé devant un demi-cercle de religieuses, responsables de chaque classe. Cette pièce me plaît, elle sent bon la cire, il y fait bien chaud, c’est aussi là que se déroulent les spectacles. Pour permettre de mieux voir, à défaut de gradins, les bancs sont de plus en plus hauts, chaque place a des accoudoirs. Toute petite, je me hisse dans les rangs des grandes, aidant à ma façon Sœur Sabine à les astiquer, cela me plaît d’être perchée, nos petits bancs à nous n’ont même pas de dossiers. Comme son nom l’indique, c’est là que les grandes vont à l’étude ; je me demande comment elles y font leurs devoirs, il n’y a ni table, ni tablette. Je crois savoir qu’elles s’en plaignent.

L’inspection dure plus d’une heure, on s’en doute. Je pense que l’on y donne les résultats des examens, matière par matière. Selon les mérites, la meilleure élève se place au début du banc, la 2e à côté, la 3e encore à côté, ainsi de suite…et la dernière, hou, hou, à la fin. Si au cours du mois la bonne élève a obtenu quatre croix elle reçoit le ruban d’honneur. C’est le must ! On le porte de l’épaule à la hanche opposée, comme une ceinture de maire. Volontairement honorifique, il est en satin, à ses extrémités, un galon doré en rehausse l’éclat. Il a beaucoup d’allure et les nominées sont souvent très fières !

La Mère supérieure loue les bonnes élèves, qui s’approchent alors pour recevoir leur décoration, révérence s’il vous plaît, ou apostrophe publiquement les mauvaises élèves qui ne viennent rien chercher du tout.
Une année, je redouble la 6e. Anne m’a rattrapée, nous sommes dans la même classe. Elle s’applique tant et si bien, tandis que je me la coule douce, qu’elle finit par obtenir de meilleures notes. La grande inspection ne me loupe pas, Mme St Jean-Marie insiste bien :
Anne Maquet 4e, Colette Maquet 5e ! Je dois rétrograder et Anne rouge de plaisir me passe devant, non sans me narguer, trop ravie ! Ca ne rate pas, tout le spectacle y est, dont je suis malgré moi la vedette, les murmures des élèves, les hochements de tête, celles qui se retournent, les expressions de fatalité des religieuses. Je l’avoue, je suis mortifiée, je pique du nez, tout le monde sait que je suis la plus nulle des deux. Je ne pleure pas, mais je n’en mène pas large. Tant et si bien que je décide d’en mettre un coup, ça ne se passera pas comme ça. Heureusement tout rentre dans l’ordre à l’inspection suivante, mais bonjour l'humiliation !
Cette anecdote me permet en tous cas de restituer l’ambiance, et à posteriori d’y reconnaître une atmosphère familiale où nous étions toutes à la même enseigne.

La grande inspection est aussi l’occasion d’apercevoir mes sœurs, les sœurs de mes amies, les élèves des grandes classes, ce qui permet de nous connaître. A la sortie, on peut lire sur les visages la fierté, mais aussi la honte, l’indifférence, la rancœur... de quoi alimenter les discussions de la récréation qui suit.